Management de transition : des secteurs à convaincre

Article RÉSEAU ÉCO 29/07/2019

Le Management de Transition, importé des Pays-Bas, connaît une croissance à deux chiffres en France. Et le mouvement pourrait encore prendre de l’ampleur. Tous les secteurs n’ont pas encore adopté cette nouvelle pratique managériale. Ils y viendront.

+ 19 %, un taux de croissance qui ferait pâlir d’envie de nombreux secteurs d’activité. A tout le moins, le management de transition a réussi à s’imposer dans l’économie française en une vingtaine d’années. Le dernier communiqué de la Fédération nationale du management de transition (FNMT) fait même état d’une activité encore plus soutenue en 2016 ou 2017 (respectivement 23 et 27 %). « Les entreprises doivent se transformer, explique Benoit Durand-Tisnes, fondateur de Wayden, mais elles n’ont pas les ressources disponibles en interne. Ils sont devenus « super maigres ». Autre expression fréquente dans la bouche des spécialistes : « Il n’y a pas de graisse. Autrement dit, les organigrammes ont été tellement rationalisés que seuls des apports extérieurs pourront « négocier les tournants ». Au risque d’exagérer le propos, l’intérim manager est le « pompier de service » de l’entreprise. « La notion d’urgence est inhérente à notre métier, souligne Grégoire Cabri-Wiltzer, à la tête de Nim Europe depuis 2011. Avec des managers disponibles sous 48 heures, immédiatement opérationnels, nous nous distinguons ainsi de la chasse de têtes, du conseil ou encore du recrutement. Pas de temps d’acclimatation. Autrefois mesure exceptionnelle, le management de transition est devenu au fil des années un élément de la boîte à outils des dirigeants d’entreprise. Ou dans leur « mind set », pour reprendre le langage de Richard Branson, largement utilisé dans le management de transition des cadres, nom original du management de transition, pour une fois refusé en français. Le mot intérim a un je ne sais quoi péjoratif, de « middle management », qui n’est sans doute pas considéré comme un commercial.

 

Une nouvelle image

Pendant longtemps, cette nouvelle pratique managériale a été associée à la « restructuration ». Autrement dit, fermetures d’usines, plans de sauvegarde de l’emploi, terrains industriels vidés de leur substance, villes décimées, le « grand faulx », selon Benoit Durand-Tisnes… On pourrait aussi parler de « cost kill ». La transition « La gestion de transition a été décorrélée de son image liée aux organisations défaillantes, aux fermetures dites sauvages ou bandites, se réjouit son dirigeant. Le président Jean-Pierre Lacroix. Malheureusement, cela est resté gravé dans l’inconscient collectif. ça représente 10% de nos missions. On oublie de parler des milliers d’emplois sauvés !

 

Marché de niche mais dynamique

Le marché dynamique du management de transition recense pas moins de 3 000 missions réalisées en 2018 en France, sept mois en moyenne et réalisées par d’anciens cadres supérieurs, indépendants, via portage salarial ou affiliés à des cabinets de conseil. dédié. Cela représente un chiffre d’affaires d’environ 300 millions d’euros. Une douzaine d’entreprises sont présentes sur le marché. En mélange, on peut citer Nim Europe, Valtus, Robert Half, les managers de MCG ou encore Wayden Transition…

L’industrie reste le secteur qui recourt le plus au management de transition (51% des missions en 2018), loin devant les services (19%). La réindustrialisation de la France, observée ces derniers mois avec 5 200 emplois créés en 2018, n’est sans doute pas étrangère à cette situation. Enfin, les restructurations avec déménagements ou relocalisations sont des allers-retours bénéfiques pour la gestion de la transition. « Et nous sommes entrés dans une ère de transition permanente », résume Guillemette Payen, associée chez EIM France. Il n’y a pas de citadelles imprenables. Il n’y a que des secteurs qui démarrent un peu plus tard. »

Au sein des entreprises, certains départements l’apprécient plus que d’autres. La répartition par fonction donne : direction générale (10 %), finance (20 %), industrielle (20 %), marketing (10 %), systèmes d’information (10 %), commerciale (10 %). La supply chain apparaît comme un relais potentiel de croissance, avec une croissance soutenue depuis 2015.

«C’est un marché de niche», constate Stéphane Mellinger, fondateur de MPI Executive. L’appel entrant ne fait pas exploser le standard ! Mais en 15 ans, la donne a changé. Le besoin d’évangélisation est moins marqué. Plus besoin de prendre le bâton du pèlerin. Aujourd’hui, nous nous efforçons avant tout de mettre en avant ce qui nous différencie de nos concurrents. « Un rapide coup d’œil sur ce qui se passe à l’étranger montre la marge de progression dont disposent encore les joueurs français. En Grande-Bretagne comme en Allemagne, le chiffre d’affaires du management de transition dépasse le milliard – respectivement 1,2 milliard et 1,3 milliard. Des segments restent à gagner.

Les entreprises du CAC 40 ne sont pas les seules concernées. « Si elles sont encore prédominantes aujourd’hui, souligne Stéphane Mellinger, on descend d’un cran, avec des missions se déroulant dans des entreprises de taille moyenne (ETI) et petites et moyennes entreprises (PME). »

 

Bientôt la fonction publique ?

Jean-Pierre Lacroix en est convaincu, tant les lignes bougent actuellement. C’est une question de temps. « Le centime d’euro devient de plus en plus cher au niveau de la gestion publique », analyse-t-il. Les missions seront pertinentes d’ici trois ou cinq ans. Le besoin est déjà là. Un exemple : la santé, avec des hôpitaux publics toujours en déficit. C’est le cas de l’AP-HP ou de l’AP-HM à Marseille. Mais le secteur n’est pas encore ouvert à cette pratique managériale. Aujourd’hui, les portes sont tenues par les syndicats. La priorité est donnée aux agents publics. Cependant, le sujet n’est pas de remplacer qui que ce soit, mais d’apporter des compétences différentes. La fonction publique souffre d’un manque de diversité. Avec Jean-Pierre Lacroix, le discours est cash ! Déjà, le public et le parapublic britanniques ont franchi le pas.

« NOUS SOMMES ENTRÉS DANS UNE ÈRE DE TRANSITION PERMANENTE. IL N’Y A PAS DE CITADELLES IMPRENABLES. IL N’Y A QUE DES SECTEURS QUI COMMENCENT UN PEU PLUS TARD. »

 

Aussi en région

Qu’apprend-on aussi outre-Manche ? Il n’y a pas que Londres qui propose les services de managers de transition. Birmingham, Édimbourg… Autant de villes qui captent et développent ce marché. Idem en France. Cette montée en puissance dépasse la frontière du périphérique, la grande couronne, pour gagner progressivement la province. La région Île-de-France reste la principale pourvoyeuse de cadres (51%, mais en baisse de 7 points par rapport à 2017), devant la région Auvergne-Rhône-Alpes à 12%, en légère baisse (- 3 points par rapport à 2017). à 2017). C’est ce qui ressort de la dernière enquête FNMT. Et demain ? « A part Paris, Lyon et Nantes avec H3O, c’est le désert », constate Stéphane Mellinger. C’est le cas à Lille, Strasbourg, Metz, Bordeaux et Toulouse, également sur le pourtour méditerranéen. Une entreprise niçoise a été contrainte de faire appel à une société de gestion de transition francilienne. Ce n’est pas sans problèmes. La régionalisation est l’autre levier de la croissance.

 

Un marché tendu

8 000 noms dans le carnet d’adresses de Nim Europe, dans celui d’EIM, 2 000 à Wayden… « Le chiffre ne veut pas dire grand-chose, reconnaît Grégoire Cabri-Wiltzer. Aucun contrat d’exclusivité ne nous lie aux managers de transition. Le recrutement devient de plus en plus compliqué. Le marché se tend. C’est le revers de la médaille de la situation de quasi plein emploi dont bénéficient les cadres. Pour rappel, leur taux de chômage est de 3,5%, avec 270 700 à 290 000 embauches prévues pour 2019, selon les derniers chiffres de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). 48 % des entreprises envisagent d’embaucher des cadres ayant plus de 20 ans d’expérience – exactement le créneau des managers de transition. Dans les fonctions financières, RH ou industrielles, le taux d’employabilité est si élevé qu’il s’apparente à un contrat à durée indéterminée (CDI), mais avec plus d’autonomie.

Sans prétendre jouer aux super-héros, ces hommes et ces femmes – 22% des missions ont été réalisées par « ils » -, ces hauts dirigeants intérimaires « doivent pouvoir changer la donne rapidement, encaisser », commente encore Grégoire Cabri-Wiltzer, se libérer des contraintes familiales, mener une vie équilibrée pour supporter la forte charge émotionnelle et ne pas se laisser guider par la vengeance d’avoir été attrapé… » Un costume qui ne convient pas à tous les cadres en France et en Navarre ! Ce que sera aussi demain comme avec les millennials, réputés pour être en quête de sens ? « Les premiers arriveront à la tête des entreprises en 2025 », analyse Benoit Durand-Tisnes, fondateur de Wayden. Sans aucun doute, ce métier rajeunit. Nos clients ont passé d’un intérêt pour les universitaires retraités à des actifs opérationnels. L’âge moyen des managers de transition est aujourd’hui de 48 ans, contre 60 ans il y a plus de quinze ans. L’importance croissante de l’informatique redistribue les cartes entre les générations. règne des temples gris ?

Murielle Wolski